Le halo mystérieux qui nimbe le groupe des Méditateurs provient en grande partie de sources historiques éparses et postérieures aux évènements. La mythologie qui s’est construite autour de ces femmes et de ces hommes ayant vécu le tournant de la Révolution française tient à ce destin fugace qui préfigure l’école romantique de 1830. Réunis autour de Maurice Quay, personnage légendaire et dissident de l’atelier de Jacques-Louis David, ces artistes se sont mis à l’écart des fracas de l’histoire, sur les collines de Chaillot, dans l’ancien couvent de la Visitation Sainte-Marie. Ce qui intrigue le plus à l’époque tient au mode de vie d’un groupe considéré comme une secte religieuse. Vivre hors norme exige en effet une diététique et une apparence singulières. Deux hommes en témoignent. Étienne-Jean Delécluze, artiste-historien de l’école de David, publie en 1832 des souvenirs restés vivants, où il associe Quay et son acolyte Antoine-Hilaire-Henri Perié à des rapins, ces élèves qui copient sans talent et vont « se promener dans Paris, l’un vêtu comme Agamemnon, l’autre en Pâris » (Delécluze, 1855). Le port de la barbe les distingue radicalement des hommes au visage glabre, dont l’usage remonte à Louis XIV. Charles Nodier, membre des Méditateurs et annonciateur du romantisme littéraire français, évoque quant à lui dans ses correspondances des moments d’inspiration partagés : « Nous étions vêtus de tuniques blanches et nos cheveux flottaient sur nos épaules. Nous nous sommes reposés sur l’herbe ; nous avons parlé du désert, de l’amitié, de toi ; nous avons regardé Paris et nous avons pleuré » (Salomon, 1908). Que retenir de ces postures historiques ? Quel rôle joue l’apparence vestimentaire dans la révolution artistique et politique à venir ?
Les habits de la Révolution
D’autres sources de l’époque permettent d’affiner notre compréhension de l’attitude dissidente de ce groupe. Deux lettres datées d’octobre et de décembre 1799 parues dans le Journal des Arts soulignent, non sans ironie, la place de la méditation dans l’art de ce groupe. La première, anonyme, veut donner :
« un aperçu grotesque du costume cynique et du genre de vie adoptés par ces êtres méditants, qui voudraient paraître originaux et ne sont que pitoyables. Les sectaires portent les moustaches, la barbe sous le menton comme les juifs, les cheveux gras et salles [sic] (autant que possible), la poitrine découverte. Ils ont le ton impérieux et quelquefois insolent. On dirait que leur intention est, par leur mise rébarbative, d’effrayer les femmes et les enfants qui circulent dans les escaliers et corridors du Louvre […]. Rarement on rencontre un sectaire avec une femme ; les égards que l’on a pour le sexe, les détournant de leurs réflexions méditatives et contemplatives. »
La seconde, signée de l’un d’entre eux, un certain Lecreux dont le nom d’emprunt reste à ce jour un mystère, prend le temps de la méditation pour se justifier :
« Je m’aperçois que je ne me suis pas encore occupé de vous faire sentir la nécessité de méditer, l’avantage des longues méditations, la manière d’y procéder avec fruit, l’utilité de se vêtir d’une manière bizarre, de prendre un costume moitié africain, moitié asiatique ; de se laisser croître la barbe et les ongles, et surtout de regarder avec insolence les Artistes à qui le Public a la bêtise d’accorder quelque estime, de ne parler de leur ouvrage qu’avec mépris, etc. » (Rubin, 1975)
C’est à partir de ces témoignages que la légende prend vie. Les historiens de l’art de la période néo-classique imaginent les Méditateurs portant le costume antique, en hommage au dessin diaphane tiré du primitivisme grec ou étrusque que ces artistes recherchent dans la peinture (Levitine, 1978 ; Hanselaar, 2008). Leur idéal érigé en religion les conduit à incarner les grands personnages du panthéon gréco-romain.
Il faut dire que la période postrévolutionnaire connaît des changements profonds dans la manière de s’habiller. À partir de 1793, plusieurs législations tentent d’imposer un costume rationnel et national, dans le but de contrôler le désordre vestimentaire des sans-culottes qui fait suite à la fin de l’Ancien régime et d’étendre ainsi le principe d’égalité à tous les citoyens. La Société Républicaine et Populaire des Arts publie en avril 1794 un texte soumis à la Convention qui rompt avec la silhouette aristocratique et impose un costume plus libre et patriote :
« Il faut faire voir ce nouveau costume comme une innovation politique, comme un grand intérêt national ; qu’il soit uniforme, simple et peu dispendieux mais que les magistrats aient toujours quelque chose qui les distingue de l’homme civil. La commission se pose la question des références historiques à utiliser : Prendra-t-on ce costume dans ceux déjà connus chez les Grecs, Étrusques ou Romains ? Adoptera-t-on la tunique, la toge ? » (Lapauze,1903 ; Bret, 2021)
C’est moins la dimension utilitaire que l’image républicaine qui est en jeu dans cette réforme vestimentaire.
Le 14 mai 1794, le Comité de Salut Public demande à David d’imaginer les costumes de la liberté, à savoir les uniformes des représentants du peuple. Fasciné par la reconstitution historique du drapé, l’artiste s’inspire de plusieurs sources anciennes, une vision fantasmée du Moyen-Âge, de l’Orient, de la Renaissance italienne, de Rome, de Byzance et bien entendu, du style gréco-romain. Cet éclectisme lui est reproché et le projet présenté en septembre 1794 n’aboutit pas, la chute de Robespierre en juillet ayant conduit David en prison. La fin de la période de Thermidor et le début du Directoire à partir de 1795 s’ouvrent sur un relâchement des mœurs avec l’excentricité des Incroyables et des Merveilleuses, hommes et femmes qui parodient la Révolution et ses conséquences, tout en réagissant à l’austérité morale des Jacobins. Bien plus que des costumes mêlant les inspirations antiques à des accessoires en tout genre, il s’agit de modes de vie faits d’inventions de langage, d’attitudes désinvoltes et de fêtes dispendieuses.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la réception critique des Méditateurs : les excès vestimentaires du Directoire sont associés à une période de dérèglement et la société française ne peut plus tolérer ces égarements à la fin de l’année 1799, date de l’arrivée de Napoléon Bonaparte en tant que Premier Consul. La référence à l’Antiquité persiste néanmoins durant ces bouleversements politiques, la Grèce restant une référence ultime qui permet de célébrer la démocratie athénienne, le culte du héros viril et le sens de l’égalité citoyenne. Les femmes continuent de s’habiller à l’antique, les tuniques resserrées à la taille en dessous de la poitrine et retombant jusqu’au bas du genou, les brassières plus courtes ayant remplacé les corsets qui enserraient la taille. Tandis que les hommes reviennent à un costume pratique, les artistes Méditateurs adoptent une tunique longue qui rappelle directement les silhouettes des peintures d’histoires anciennes présentées aux Salons. Les vêtements de liberté deviennent dès lors ceux de l’art.
Le costume des arts et du théâtre
Depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’intérêt que portent les artistes aux représentations du vêtement s’accroît dans le contexte de débats et de réformes de la peinture d’histoire (Amic & Patry, 2000). Les recueils illustrés de costume publiés depuis le milieu du XVIe siècle jouent un rôle central, car ils permettent d’offrir une forme de véracité à la reconstitution historique en peinture, et donc de moraliser un idéal classique. Suivant les premières recommandations du comte de Caylus et de Guillaume-François-René Molé autour des années 1750-1760, le costume devient une science dont les artistes doivent rechercher la vérité, à partir des descriptions et observations des textes anciens et des exemples de peintures issus de la Renaissance. Michel-François d’André-Bardon est l’un des premiers artistes à offrir un recueil illustré, accompagné de recommandations d’usage au service des artistes. Ses Costumes des Anciens Peuples publiés en 1772, longtemps considérés comme une référence pour les peintres, donnent au vêtement le rôle d’accompagner l’invention de l’artiste, non de figer l’image de l’antique.
C’est au nom d’une plus grande exactitude que les recueils de costume des années 1780-1790 associent la vérité archéologique, loin des modèles de la Renaissance italienne, à celle du port tangible du costume exemplifié au théâtre. Selon plusieurs de ces recueils, des fautes et des erreurs d’appréciation ont été commises par les peintres comme Raphaël ou Poussin, du fait de leur recherche d’héroïsme, en particulier dans la représentation du nu idéal. Dans son Costume des représentants du peuple de 1796, Jacques Grasset de Saint-Sauveur s’appuie sur les exemples anciens de la peinture et de la sculpture pour envisager la création artistique de nouveaux costumes rendus à leur vérité, ces « vêtements d’honneur » au service des fonctionnaires publics. Paru entre 1798 et 1806, l’ouvrage Choix de costumes civils et militaires des peuples de l’Antiquité de Nicolas-Xavier Willemin devient quant à lui une référence pour les peintres de l’atelier de David qui se servent des illustrations issues de l’Antiquité. La liste des souscripteurs comme David lui-même, Girodet, Gérard, Grandin et les comédiens comme François-Joseph Talma témoigne d’un usage élargi aux arts et au théâtre. Les Méditateurs ne sont pas mentionnés. Passionné par les pièces de la Comédie Française, David est devenu, bien avant la Révolution française, un ami intime de Talma, à qui il enseigne l’art de la draperie. Le vêtement n’est plus uniquement utilitaire, il devient un objet de représentation de la liberté physique et morale émanant de la Révolution. La réforme du costume à la ville se joue dès lors aussi sur scène.
La réforme du costume en peinture devance celle qui s’opère au théâtre, à l’image de la parution en 1790-1792 des Recherches de Jean-Charles Le Vacher de Charnois. Comme le soulignent Sylvain Amic et Sylvie Patry, l’observation détaillée du port des vêtements et des accessoires sert à son auteur de prétexte pour brosser le portrait psychologique des personnages au service du comédien. Il lui permet de restituer avec convenance les sentiments exprimés sur scène. L’exemple du personnage d’Agamemnon est éloquent à plus d’un titre. La pièce éponyme signée de Louis Lemercier est représentée au Théâtre de la République le 5 floréal an V (24 avril 1797) et obtient un succès. Les critiques de l’époque évoquent la coexistence de plusieurs inspirations anciennes et modernes issues des tragédies d’Eschyle, de Sénèque et du dramaturge italien Vittorio Alfieri. La composition scénique s’inspire d’une conception picturale de la scène qui se déploie à travers une vision plus pittoresque et égalitaire des costumes et des dialogues, les personnages se tutoyant.
Difficile de dire si Lemercier s’est inspiré du personnage d’Agamemnon décrit par Le Vacher de Charnois, mais il importe néanmoins d’en souligner la proximité. Tiré d’Homère, le costume d’Agamemnon est lié à l’action qui porte sa renommée :
« Il s’assied [Agamemnon] sur sa couche, revêt sa tunique moelleuse et d’une rare beauté, jette sur lui son vaste manteau, attache à ses pied éclatants ses magnifiques brodequins, et suspend sa brillante épée à ses épaules. Il prend en main le sceptre immortel de ses pères. Avec ce sceptre, il marche vers les vaisseaux des Grecs. »
Même si l’auteur souligne le problème de traduction du terme brodequin, préférant décrire une « sorte de chaussure qui couvrait tout le devant des jambes, depuis les genoux jusqu’au cou-de-pied », il fait de cette description un principe esthétique qui est repris par les artistes de l’atelier de David, les Méditateurs en premier. Lors de ses apparitions publiques, Maurice Quay est justement associé à Agamemnon, car il incarne l’action en devenir par l’apparence vraisemblable de l’habit. Sans doute l’artiste s’est-il inspiré de l’illustration gravée par Pierre-Michel Alix et dessinée par Philippe Chery. Ce dernier, proche de David, ayant participé aux évènements de la Révolution, a fui la France après le coup d’État du 18 Brumaire. Le costume grec dépeint dans ces recueils et porté sur scène trouve sa pleine justification dans l’espace public : la transformation idéale du citoyen et de l’artiste.
L’apparence de l’idéal : utopie et résurgence d’un modèle
Les Méditateurs font un usage réformateur du vêtement, car ils le considèrent comme un agent actif du retour aux sources mystiques et idéales de l’art. Le premier à signaler cette dimension est Nodier qui évoque le caractère religieux de la confrérie :
« Deux hommes incarnent cette secte : L’un, Maurice Quai (sic) provoque son enthousiasme ; l’autre, Gleïzès, lui donne une métaphysique. » (Viatte, 1928)
Plus loin dans ses correspondances, il témoigne de ces moments de méditation, éloignés des rivalités entre artistes d’ateliers autour de David, et souligne la mise en condition physique et psychique de leur art. Préfigurant l’élan romantique du début du XIXe siècle, ces descriptions de l’apparence hors-norme (cheveux longs, barbe, sans cravate) se distinguent de la tenue bourgeoise qui prédomine au début du XIXe siècle. Cela donne à l’artiste l’image du prophète de l’art à venir qui se dessine à travers les apparences de Jésus ou de Mahomet.
Delécluze fait le rapprochement entre cette confrérie et les saint-simoniens qui s’investiront trente ans plus tard dans la réforme sociale. Ces artistes se doivent selon lui :
« de donner un but pratique et sérieux à l’art et d’enfermer les grandes et éternelles vérités dans l’enveloppe du beau, afin qu’on les accepte avec plaisir, avec empressement même, et qu’elles germent et fructifient dans le cœur de l’homme. » (Delécluze, 1855)
Il mentionne à ce propos la fameuse anecdote de Napoléon qui demande au sujet du costume exotique de Quay :
« – Pourquoi avez-vous adopté une forme d’habillement qui vous sépare du monde ? »
ce à quoi Quay répond :
« – Pour me séparer du monde. »
C’est à cette période, en 1800, que Napoléon relance pourtant d’anciennes festivités, en particulier le Bal de l’Opéra, et fait autoriser par la suite le port du costume de mascarade en public à l’occasion du Carnaval. Cependant, le cadre normatif de la fête éphémère n’est pas respecté avec le port du costume antique au quotidien. Éloignées des mondanités collectives, Quay et ses acolytes sont vus comme des marginaux qui se mettent volontairement à l’écart, dans le but d’atteindre un plus grand savoir.
Ces postures, perçues à l’époque comme des extravagances, sont imprégnées de conceptions mystiques articulées au message politique de Jean Antoine Gleïzès. Précurseur du végétarisme, ce philosophe lié aux artistes Méditateurs expose de manière poétique le dogme de la confrérie dans plusieurs de ses ouvrages. Dans Les Nuits élyséennes (1801), la question de l’inspiration artistique est analysée à partir de l’acte spirituel qui conduit l’homme vers une connaissance supérieure. Gleïzès recommande aux artistes et aux poètes de se tenir prêts pour recevoir cette inspiration venue du divin, grâce à une mise en condition qui passe par le végétarisme et le port de tenues intemporelles. L’homme doit aussi épouser les cycles de la vie en replaçant la nature au cœur de son existence. La place de la femme est évoquée à partir de la parabole androgyne de Platon qui se retrouve dans les écrits illuministes du XVIIIe siècle :
« L’homme et sa compagne ne sont point faits pour vivre éloignés l’un de l’autre ; la nature ne les sépara que pour mieux les réunir, car on voit que c’est un même être : elle les sépara pour qu’ils recueillissent chacun suivant son existence les fruits de la terre et toutes les sensations qui naissent de son brillant spectacle. Mais bientôt le mortel isolé s’aperçoit qu’il existe hors de lui la plus belle portion de lui-même ignorée et perdue : il la cherche, et n’est heureux qu’après l’avoir trouvée. »
Cet idéal amoureux est celui de la muse et artiste Lucile Franque Messageot évoquée par Nodier à travers le personnage d’Eulalie dans Le Peintre de Salzbourg, publié en 1803, année de la mort de Franque Messageot. Nodier évoque son nom à l’égal de Maurice Quay :
« LUCILE, MAURICE, âmes superbes ! Où est-il celui qui doute de l’immortalité ? A-t-il vécu près de vous, celui qui nie la vertu ? O Brutus ! » (Nodier, 1804)
Artiste mystérieuse, n’ayant pas laissé d’écrits, ne subsiste de cette femme qu’un autoportrait où elle pose avec sa famille. En retrait de la scène, portant une couronne de fleurs et s’appuyant sur son demi-frère Claude Antoine, elle porte une robe noire qui la distingue de sa sœur, en tenue antique blanche. Cette image unique rappelle celle de Quay, dont il ne subsiste qu’un portrait d’Henri-François Riesener,
daté entre 1797 et 1799, visage barbu, chemise ouverte, veste noire et liseré rouge suggérant une cravate par-dessous. Ayant peu produit d’œuvres et peu écrit, ces deux artistes semblent consolider l’idéal artistique d’un renoncement à l’art et aux plaisirs matériels, décrit par Gleïzès dans Thalysie ou la nouvelle existence en 1841 :
« Il vivait seul, sans autre société que celle des effroyables tempêtes de ces bords. […] il avait porté tellement loin la pureté de ce régime, qu’il n’employait à son usage, comme Empédocle et Apollonius, aucune matière animale quelconque ; ce qui donnait à son costume un air singulier, dont ses héritiers, fatigués de le voir vieillir outre-mesure, voulurent profiter pour le faire déclarer insensé. »
Nommés Barbus, Primitifs ou Penseurs, les Méditateurs obtiennent tout le long du XIXe siècle une renommée artistique auprès des cénacles idéalistes, qui retiennent leur posture dissidente associée au vêtement. Les historiens du costume comme Albert Racinet mentionnent le nom de Quay pour souligner l’adhésion à la mode grecque qui sévit en Europe, « mouvement qui, encore une fois, ne fut pas plus républicain qu’il ne fut local ». Souvent rapprochés des préraphaélites anglais, les Méditateurs sont irrémédiablement associés au mouvement symboliste et idéaliste, en la personnalité de Joséphin Péladan, critique d’art et organisateur des Salons artistiques de la Rose-Croix entre 1892 et 1897. Dans son compte rendu de l’Exposition universelle de 1900, le conservateur et historien de l’art Léonce Bénédite relie les Barbus à Péladan. Tous sont enclins aux usages du déguisement et sont marqués par l’« ardeur extatique sur tout le monde nouveau qui s’offrait à la pensée », à savoir la nature, l’idéal chrétien et l’esprit mystique. D’autres critiques font de Quay « le “Sar” de ce temps-là… et M. Péladan, redevenu simple critique d’art et des plus éloquents, devrait écrire son histoire. À côté de lui, Lucile Franque était l’Égérie du cénacle. Son nom seul prononcé purifiait les lèvres ». Enfin, ils partagent l’idéal androgyne dont Péladan se fera l’étendard, inspirant tantôt les artistes, attirant de l’autre la foudre des critiques pour ses extravagances.
Que retenir de ces hommages au ton moqueur ? Les Méditateurs se sont démarqués de leur congénères de l’atelier de David en adoptant une attitude dissidente, critiquée et moquée, qui est passée par l’habit antique. Cet idéal de fusion de l’art et de la vie s’inscrit dans un contexte de réforme vestimentaire nécessaire après les élans post-révolutionnaires.
Il a surtout permis d’envisager une forme d’utopie politique qui vienne nuancer l’égalitarisme de l’uniforme, en imposant la vision romantique de l’artiste hors-norme. Ce sont néanmoins des sources historiques extérieures au groupe des Méditateurs qui offrent ce portrait certainement déformé de la réalité. Le port du vêtement, dans son caractère fugace et changeant, reste à jamais un mystère pour les historiennes et historiens qui souhaitent en étudier les vérités.
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