Validisme : c’est le nom que les luttes handies, celles des « handicapés méchants », des handiqueer, des Sourdxs, des Fols et des Estropié·es − les pas-droit·es qui, décidément, persistent dans leur désalignement et en profitent pour mettre un sabot dans la machine − ont donné au système d’oppression qui définit l’accès au monde à partir d’une norme eugéniste du bon corps et du bon esprit.

Validisme, ou capacitisme, de l’anglais ableism : une suprématie de la capacité. Ou encore, pour reprendre les mots de l’activiste handie et abolitionniste carcérale Talila A. Lewis :

« un système d’assignation des corps et des esprits, fondé sur les idées socialement construites de normalité, de productivité, d’intelligence, d’excellence et d’adaptation. Les idéaux validistes sont profondément enracinés dans l’eugénisme, l’anti-Noirceur, la misogynie, le colonialisme, l’impérialisme et le capitalisme. » (Lewis 2022)

La lutte anti-validiste demande : et si on l’on transformait l’espace public ? Si on s’occupait non seulement de le rendre accessible aux pas-valides, mais aussi de contester sa forme et ses politiques d’exclusion (Blanquer 2004) ? Et si, d’un même élan, l’on créait des rampes d’accès et l’on mettait des bâtons dans les roues du temps productiviste ? « Ma plus grande ambition n’est pas de guérir », dit læ militanz handiféministe noir·e Harriet de Gouge (2023). Et si on en finissait avec l’idée que nous devrions être capables, guéries, valides pour avoir de la valeur les unes aux yeux des autres ?

Cette majeure de Multitudes se propose de réunir des récits et des analyses écrites depuis les vies, les activismes et les études handies, pour penser avec elles le monde technoproductiviste, ses chausses-trapes et les futurs alternatifs qu’on peut lui opposer.

Justice handie

Disability Justice, « justice pour toutes les personnes handicapées » ou « justice handie »: des termes, « inventés en 2005 par un collectif de femmes queers racisées handicapées, dont Patty Berne, Mia Mingus et feu Stacey Milbern », pour intensifier les luttes anti-validistes, pour ne pas s’en tenir à l’obtention de davantage de droits ou d’acceptation par la société capitaliste (droit de se marier, droit de faire des enfants, droit d’avoir un emploi, droit à un logement, droit à un salaire minimum…), mais aussi pour s’assurer que ces droits sont respectés pour toustes, et non seulement pour quelques unes d’entre nous. La justice handie s’efforce ainsi de « reconnaître l’intersectionnalité des personnes handicapées qui appartiennent à d’autres communautés marginalisées » (Hudson 2022).

Le mouvement pour la justice handie est, de manière décisive, lié au mouvement pour la justice transformatrice qui, né de l’abolitionnisme carcéral, cherche des alternatives aux logiques de la punition et de la prison, et invente à la place des pratiques de résolutions des conflits et de soin communautaire (Cases Rebelles 2015). Lire la justice handie comme une pratique et une pensée originale de la justice, c’est considérer la manière dont elle n’est ni une justice fondée sur l’éradication du handicap [justice punitive], ni une justice fondée sur sa mise à l’écart [justice carcérale], ni même une justice fondée sur l’idée qu’on pourrait le réparer [justice réparatrice]. C’est une justice au contraire fondée sur l’idée que ce qui est considéré comme un mal/une faute/un manque devrait plutôt être envisagé comme une occasion de transformer la société qui rend l’oppression validiste possible [justice transformatrice] (Bigé et Noûs 2022)1.

Ainsi simultanément vouée à l’abolition de la carcéralité et du validisme (Sins Invalid 2015), la lutte pour la justice handie implique de penser l’intrication du validisme avec le racisme et le classisme environnemental, la brutalité policière et ses pratiques de mutilation − des tirs de LBD qui estropient les militanz aux prises létales d’étranglement − qui exposent et exploitent les vies handies, et en particulier les vies handies Noires, racisées, pauvres, queers et trans* à la mort prématurée.

Inspirée par ces mouvements, cette majeure rassemble des écrits militants, des textes théoriques et des fictions politiques qui ont pour point commun de proposer la contre-invention d’imaginaires et de pratiques saboteuses. Les points de vue d’où sont écrits les textes sont multiples : des personnes qui luttent et développent des réseaux d’entraides handies, queers et racisées, mais aussi des universitaires, des artistes et des intellectuelles qui, engagées dans la lutte contre le validisme, n’en cessent pas moins de travailler dans des institutions (des universités, des hôpitaux, des musées) elles-mêmes prédatrices et violemment exclusives. Ces points de vue ne sont pas forcément cohérents entre eux, et la perspective qui en résulte est définitivement impure et parfois dangereusement compromettante : le travail face aux infrastructures de l’oppression l’est souvent. Car l’adversaire, ici, ce ne sont pas seulement des représentations ou des imaginaires du handicap. Ce sont aussi et surtout des politiques publiques et des lieux d’enfermement indissociables de ces représentations du monde : un espace public qui continue à valoriser le valide contre l’invalide ; des structures dédiées à l’aide au handicap qui restent dans une logique de compétition − même en se voulant équitables − et de méritocratie ; des publicités qui valorisent cellui qui « se dépasse » malgré son handicap, plus courageux·se, « meilleur·e » que les autres ; des pouvoirs publics qui prônent la charité vis-à-vis des supposées invalides plutôt que l’aide réciproque et l’enrichissement mutuel ; un complexe médical industriel qui exploite, maltraite et brutalise les personnes institutionnalisées.

Au rebours de ces systèmes de mort fondés sur la fausse binarité valide/invalide, la justice handie est un cri de ralliement pour toutes sortes de refuzniks de l’extractivisme. Car le validisme, s’il affecte certain·es d’entre nous plus que d’autres (pour des raisons à l’intersection des enjeux de race, de classe, de genre et de handicap), n’en est pas moins un système d’oppression qui nuit à toustes. Les luttes pour la justice handie permettent ainsi de recruter à leurs côtés les vieux et les vieilles, les travailleureuses épuisées, les populations (ex-)coloniséEs dont les environnements ont été saccagés par l’Empire, les incapacitéEs de la technocratie digitale, les féministes « hystériques » qu’on veut redresser, les queers qu’on veut rééduquer, les trans qu’on veut stériliser ; tout un tas d’êtres qui sont maintenus en-dessous du seuil de détection du handicap, mais qui n’en sont pas moins débilités, incapacités, et soumis à des processus d’extractions biopolitiques brutaux (Puar 2017).

Plus avant, les luttes pour la justice handie peuvent ainsi avoir pour sujet, non seulement celleux qu’on considère comme « malades », mais encore celleux qui, censées les soigner, se refusent à corriger ou à pathologiser les personnes qui vivent avec des maladies ou des handicaps, et qui deviennent des alliées militantes pour la justice handie.

Des futurs dévalidés contre des futurs sans invalides

Le projet eugéniste d’élimination du handicap n’est pas qu’un mauvais souvenir hérité du racisme scientifique colonial ou nazi : il est indissociable du projet technohumaniste d’amélioration prosthétique ou génétique de l’espèce qui hante nombre des utopies littéraires, cinématographiques et scientifiques contemporaines. Contre ces futurs qui se rêvent sans invalides, les futurs dévalidés imaginent un monde, non pas sans handicap, mais sans le validisme qui rend les vies handies impossibles.

Les futurs dévalidés ne désignent pas seulement les lendemains qui chantent du monde sans validisme2. Les futurs dévalidés, ce sont aussi, en un sens différent mais inséparable,
le monde invalidé de force que prépare l’extractivisme et son cortège de conditions de travail brutales (Kafer 2013), de pandémies (Piepzna-Samarasinha 2022) et de bâtiments empoisonnés au plomb (Chen 2012) et d’eaux polluées par les déversements de l’industrie chimique (Voyles 2017). En effet, l’importance du « modèle social » du handicap, qui veut que l’essentiel des « invalidités » provoquées par le handicap soient dues en réalité à un défaut de prise en compte, par la société, des besoins d’accès, ne doit pas faire oublier les souffrances intrinsèques provoquées par certaines situations de handicap et par certaines maladies (Cella 2013), et c’est pourquoi la lutte contre le validisme est aussi une lutte écologique : parce qu’il ne suffit pas de lutter contre les représentations sur le handicap, mais aussi contre l’imposition forcée de conditions d’existences dévalidantes pour toustes.

Si l’enjeu est de souligner les promesses abolitionnistes suggérées par les mots/luttes handies, la lutte pour la justice handie n’oublie pas que avant de pouvoir militer, il faut pouvoir (sur)vivre. Ainsi, comme dans d’autres luttes, mais sans doute d’une manière autrement urgente, il s’agit inséparablement de se poser la question des réformes nécessaires des institutions existantes. La lutte pour la justice handie, loin des logiques et des rhétoriques de la fierté handicapée, invite inséparablement à lutter contre et à décrire les violences des lieux d’enfermement (de la prison à l’hôpital et à l’hospice), à lutter contre et à décrire la maltraitance médicale, administrative et judiciaire, à lutter contre et à décrire l’intoxication des airs, des eaux, des sols et des corps.

De ce point de vue, une question se pose : que faire des « invalides » qui ne peuvent prononcer de mots, se déplacer de leurs fauteuils et manifester ? De celles-là qui jamais ne seront militanz, qui ne rêvent que de « normalité » ou qui ont tout simplement la nécessité absolue d’être soutenues ? Ou encore des populations du Sud global, tenues à l’écart des modèles des droits handicapés par les guerres et la destruction systématique des systèmes de santé, qui sont intentionnellement maintenues dans des états d’affaiblissement qui assure leur exploitation continuée ?

Se dessine donc, avec toutes ses ambiguïtés, un puissant horizon, un nouvel imaginaire, un enjeu démocratique au sens le plus profond du terme, à relier ces multitudes qui parfois s’ignorent, handies, militantes, vieilles, pauvres, racisées, toxico, soignantes, qui ont toutes en commun de pouvoir remettre en cause de façon dite ou non dite la société, néolibérale et compétitive, de la capacité et du mérite.

Dévalidation de masse et entre-aide estropiée

Placée sous le signe des futurs dévalidés, une grande partie des textes regroupés dans cette majeure posent des questions d’utopies et d’imaginaires renouvelés, mais pas de futurs éloignés. À l’ère de l’hypernumérisation forcée de l’ensemble de nos vies qui laisse de côté les exclues du digital (Watling 2011), au milieu des événements de dévalidation de masse qu’ont été et que sont encore les pandémies de sida et de Covid-19 (Mingus 2022), aux temps des airs et des eaux polluées du Capitalocène (Chen 2021), le monde mondialisé est de moins en moins valide, même s’il s’accroche désespérément aux idéaux neuro et somatypiques de « l’ethnoclasse bourgeoise occidentale qu’on a appelée l’Homme » (Wynter 2003). Au milieu de ce monde en voie d’incapacitation, comment éviter la capture par les discours technosalvateurs du transhumanisme qui ne promet de nous assister, de nous améliorer, de nous rendre immortelles, à condition de nous couper les unes des autres ?

S’il est nécessaire d’imaginer des futurs dévalidés, c’est qu’une capture majeure des vies handies par le validisme consiste à en faire des synonymes d’une absence d’avenir. Comme Lee Edelman (2004) le faisait remarquer à l’égard de la perception hétérosexiste des enfants queers par leurs parents, les normes validistes empêchent d’imaginer que l’enfant handi·e (ou l’adulte devenu·e handicapé·e) puisse avoir un futur : on encourage les parents à « faire leur deuil » alors que leur enfant est vivant ; on plaint l’accidenté·e de la route dont « la vie s’est arrêtée » (Kafer 2013). Apprendre à dédire les promesses ou les sombres avenirs qu’on croit lire sur le corps (ce morceau de matière vu du dehors auquel on assigne un genre, une classe, une race, un âge, une capacité, d’un seul coup d’œil, sans avoir à y réfléchir, en une milliseconde), voilà l’une des leçons puissamment invitées par les prophéties crip3 de Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, qui propose d’imaginer :

« non pas juste un futur où les personnes handicapées ont le droit d’exister (du genre : ok, super, il y a un mec blanc en fauteuil, c’est beau la diversité), mais un futur profondément dévalidé : un futur où les corps et les esprits handis, Sourds, Fous, neurodivergents sont à la fois acceptés sans autre forme de procès comme appartenant au spectre des manières humaines et animales d’exister, mais où nos cultures, nos savoirs, nos communautés donnent sa forme au monde. À quoi ressemblerait le futur si la majorité des genxtes étaient handi·es, neurodivergent·es, Sourdxs ou Fols ? À quoi ressemblerait un monde radicalement informé par les savoirs, les cultures, les amours et les manières handies de faire des liens ? A-t-on jamais essayé d’imaginer un tel monde sur un mode qui ne serait ni de l’ordre du fantastique ou de l’horreur, ni de l’ordre du récit édifiant, mais sur le mode du rêve ? » (Piepzna-Samarasinha 2022, p. 23)

En face du rapt du handicap par les rhétoriques de l’amélioration et du management, les futurs dévalidés se proposent d’apprendre, aux côtés des réseaux de soignantes rebelles et de paires-aidantes handies et Folles, à cultiver voire à exacerber nos interdépendances. L’entraide des estropiées (Piepzna-Samarasinha 2018) : voilà longtemps qu’elle s’invente dans les communautés délaissées par l’État-nation, des mouvements Open The Pill lancés par les activismes queers et trans surexposés à la mortalité pendant la pandémie de SIDA (Preciado 2008 ; Gossett et Hayward 2020) à la lutte pour la réappropriation de l’artemisia dans le traitement du paludisme en Afrique (Moussanang 2020) aux autodéfenses sanitaires qui continuent de s’inventer face aux coronavirus (cabrioles.substack.com).

« Une société d’assisté·es », un monde où nous sommes « toustes incomplètes » (Moten et Harney 2021), et où nous avons décidément bien besoin les unes des autres pour vivre. Voilà le cauchemar pour le monde néolibéral : d’un côté, des genxtes qui ne veulent plus travailler comme des forcenées, qui ralentissent les cadences, qui quittent en silence (quiet quitting), des brûlées au travail (burned out) qui ne veulent pas y revenir ; et de l’autre côté, des genxtes (les mêmes peut-être) qui se filent des coups de main, qui bricolent des solutions, qui inventent des filoutages face au management et au design incapacitants qui nous vident de nos puissances d’agir.

Peut-on rêver le « monde d’après » sans prendre soin dans le présent des conditions de vie impossibles qui sont faites aux existences handies ? À partir de quels présents fantasme-t-on un ou des futurs désirables ? Le futur dévalidé, c’est un présent déjà invalide qui exige une attention portée aux autres, dans l’infra-ordinaire du quotidien, dans la pesanteur de nos vies en temps de pandémie et de catastrophes écologiques. Se résoudre au choix d’une prévention communautaire indique le manque, pointe le flou et toute l’ambivalence de l’altérité radicale − les communautés queers le savent très bien et depuis longtemps, la gestion du champ informationnel et médiatique du Monkeypox l’ayant encore prouvé il y a peu, de même que l’ignorance qui entoure encore le SIDA4. Lutter contre le validisme, oui, mais comment aussi et en attendant, armer nos auto-défenses sanitaires collectives et construire un monde réellement accessible.

Dans les SF handiqueer, dans les futurs dévalidés, se spéculent et se pratiquent des modes d’hospitalité radicale : l’accessibilité oui (et re-oui : des architectures qui enregistrent le soin que nous prenons des mouvements les unes des autres), mais pas à condition que s’en effacent l’attention à ce qui n’est pas anticipable. Comme dans la nouvelle Hollow de Mia Mingus (2015), où une communauté handie exilée sur une exoplanète accueille les nouveaux-nés crip d’une société eugéniste de « Parfait·es » qui veut les tenir à distance, ce dont il s’agit, c’est donc d’affûter la pratique d’accueillir l’étrangère et l’étrangeté, celle de l’hors-norme, de l’indocile, de l’agitée, de l’autrement-percevante, de la Sourde, de la Folle, de l’Hystérique, de la bête, de l’idiote, de la vieille, de la dé(sap)pareillée, de la toxico, de la transitionnée, de la déviante… Toutes ces autres créatures liminales (et sans doute pas qu’humaines) qui n’attendent pas la validation du validisme pour mener leurs existences pleines de promesses et de déroutes.

Habiter ces zones interstitielles demande une attention aux instabilités (Dormeau 2021), une vulnérabilité aux précarités mutuelles dont nos vies sont tissées (Tsing 2015) : une pratique qui trouble les genres de l’être, et qui cherche à intensifier, les alliances trans/crip, handi/racisées, féministes/Fols/pair-aidantes et toutes ces autres intersections dévalidantes qui agitent le monde normalisé.

Références

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1Soulignons que, anticipant sur cette articulation, une analyse des rapports entre validisme et carcéralité est donnée dans lœuvre pionnière du philosophe français Michel Foucault. De lHistoire de la folie à lâge classique (1954) à Surveiller et punir (1975), Foucault a établi des liens entre enfermement psychiatrique et justice punitive-carcérale, luttant (notamment avec le Groupe Information Prisons, quil contribue à fonder en 1971) contre la définition du « mal/maladie » comme ce qui doit être tenu hors de tout contact avec le reste de la société. Cf. également les travaux de la théoricienne abolitionniste carcérale Ruth Wilson Gilmore, Abolition Geography: Essays Toward Liberation (2022), qui parle notamment de la manière dont le temps demprisonnement fournit une « matière première » qui profite à lindustrie carcérale de la même manière que lenfermement des personnes Fols, vieilles, handicapées profite à lindustrie médicale.

2Lexicographiquement, le néologisme « dévalider » est formé sur le radical « valide » (compris au sens de : validé par le validisme) auquel sajoute le préfixe privatif « dé- » (compris au sens de : défaire, déconstruire, détruire), reprend et traduit langlais disabled, qui se traduit habituellement en « personne handicapée ». Aux côtés de ce sens descriptif de la situation de handicap ou dinvalidité, les militances handies ont investi les mots disabled/disabling comme des verbes : dévalidéEs/dévalider deviennent des actions volontaires, celles de la lutte contre le validisme. Même si « dévalider » existe en français courant (avec le sens de « faire perdre son caractère validé »), il est probable que « dévalideuses », du nom dune collective handiféministe fondée en France en 2019, constitue la première occurrence en français du mot compris en ce sens.

3Parfois rendu en français sans traduction, mais aussi par des mots comme « handiqueer » ou « estropiéEs », crip est formé sur langlais cripple (« éclopée, infirme ») : un mot-stigmate retourné en cri de ralliement par la part des luttes handies qui remet en cause le paradigme de linclusion et voit plutôt dans les vies handiqueers une occasion den finir avec la société extractiviste. cf. infra « Intersections crip », p. 130.

4De la PrEP, traitement préventif qui permet de ne pas se contaminer au VIH en cas de pratiques à risque, aux TPE (traitements post-exposition), à la formule « I=I » (indétectable=intransmissible), qui rappelle que le virus est intransmissible quand il est traité au point de devenir indétectable.